La République tchèque en passe d’interdire le CBD ? 

Alors que la légalisation du cannabis semble de plus en plus fréquente à travers le monde, la République tchèque prend un chemin inverse en envisageant d’interdire la commercialisation de produits contenant du CBD et d’autres cannabinoïdes issus du chanvre. Les autorités tchèques chargées de la sécurité alimentaire ont annoncé leur intention d’interdire la vente de ces produits, invoquant le manque de recherches sur les effets de ces composés sur la santé, ainsi que la réglementation européenne. Le ministère tchèque de l’Agriculture a déclaré que l’autorité nationale d’inspection agricole et alimentaire préparait une mesure visant à retirer du marché tous les aliments, compléments alimentaires et produits cosmétiques contenant des cannabinoïdes dérivés du chanvre. Cette interdiction pourrait ainsi avoir un impact important sur l’industrie du CBD en République tchèque, où les produits à base de cannabinoïdes sont de plus en plus populaires. Pour l’instant, le ministère n’a pas précisé la date d’entrée en vigueur de cette mesure.

Le contexte légal de l’utilisation du CBD en République tchèque

La République tchèque a une longue tradition de production de chanvre industriel. Le chanvre est légal en République tchèque depuis 1998 et son utilisation est réglementée par la loi sur les stupéfiants. En 2019, la législation tchèque a été modifiée pour permettre l’utilisation de l’ensemble de la plante de chanvre pour l’extraction de cannabinoïdes tels que le CBD. Cependant, récemment, une déclaration du ministère de l’Agriculture a semé le trouble dans le secteur du CBD en République tchèque.

Pour comprendre la situation actuelle, il est important de comprendre le contexte légal de l’utilisation du CBD en République tchèque.

La législation tchèque sur le chanvre industriel

En République tchèque, le chanvre est légal pour une utilisation industrielle, alimentaire et médicinale. Les agriculteurs peuvent cultiver du chanvre industriel contenant jusqu’à 0,3 % de THC (tétrahydrocannabinol, principal composé psychoactif de la plante de cannabis) sans autorisation spéciale, à condition qu’ils respectent les normes de qualité et les réglementations en matière de sécurité.

L’utilisation de l’ensemble de la plante de chanvre pour l’extraction de cannabinoïdes tels que le CBD a été légalisée en République tchèque en 2019. Cette décision a été prise dans le cadre d’un effort plus large pour réglementer le marché du CBD en Europe.

La réglementation européenne du CBD

Au niveau européen, la réglementation du CBD est complexe et souvent source de confusion. En janvier 2019, la Commission européenne a publié une nouvelle réglementation sur les « nouveaux aliments » contenant du CBD, qui déclare que le CBD doit être considéré comme un nouvel aliment et doit donc être soumis à une autorisation préalable avant d’être commercialisé.

Cependant, cette réglementation n’est pas juridiquement contraignante et chaque État membre peut décider de l’appliquer ou non. En France, par exemple, le CBD est considéré comme un ingrédient alimentaire et est soumis à certaines restrictions, tandis qu’en Italie, il est considéré comme un complément alimentaire.

La déclaration du ministère de l’Agriculture tchèque

En avril 2021, le ministère de l’Agriculture tchèque a publié une déclaration affirmant que les extraits de chanvre, y compris le CBD, étaient considérés comme des nouveaux aliments et étaient ainsi interdits en République tchèque. Cette déclaration a suscité de vives réactions de la part de la communauté du CBD en République tchèque, qui considère que cette décision est injustifiée et qu’elle met en danger l’ensemble du secteur.

La déclaration du ministère de l’Agriculture a également été critiquée pour ses inexactitudes. Les experts du secteur du CBD ont souligné que le règlement de l’UE sur les nouveaux aliments n’est pas juridiquement contraignant et que chaque État membre peut décider de l’appliquer ou non.

Les enjeux de sécurité autour de la commercialisation du CBD en Europe

Réglementation européenne stricte sur les nouveaux aliments et contrôles de sécurité par l’EFSA

Selon les règles de l’Union Européenne (UE), le CBD peut être désigné comme un nouvel aliment (Novel Food), ce qui implique qu’il doit être soumis à des contrôles de sécurité par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Le ministère de l’Agriculture tchèque suit une interprétation stricte de ces règles et a déclaré que la mise sur le marché de produits dont la sécurité ne peut être garantie par l’EFSA est inacceptable. Cette position entraîne une interdiction de commercialisation qui affecte certains acteurs du secteur alimentaire.

Reconnaissance du CBD comme aliment par la Commission européenne

En décembre 2020, la Commission européenne a statué que le CBD n’était pas un stupéfiant et pouvait être classé comme un aliment s’il respectait les dispositions de la législation alimentaire de l’UE. De plus, les instances juridiques européennes ont jugé que les produits à base de CBD devaient bénéficier de la libre circulation des marchandises entre et parmi les États membres de l’UE.

Difficulté de l’EFSA à évaluer l’innocuité du CBD

Malgré les efforts de l’EFSA pour approuver diverses formes de CBD pour les marchés de l’UE, l’organisme a identifié plusieurs risques potentiels liés à leur consommation. Il a aussi déclaré que de nombreuses données manquantes concernant les effets sur la santé devaient être complétées. L’EFSA se limite actuellement à l’évaluation de la sécurité du CBD isolé, en raison de ces incertitudes.

Le ministère tchèque de l’Agriculture a souligné que l’EFSA n’est pas en mesure de confirmer l’innocuité du CBD en raison de ces lacunes en matière de données, bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait déclaré dès 2017 que le CBD était sûr. Ces incertitudes autour de la sécurité du CBD soulèvent des enjeux importants pour la commercialisation de produits contenant cette substance en Europe.

Une mauvaise interprétation : les inexactitudes dans la déclaration du ministère de l’Agriculture tchèque

CBD

La déclaration du ministère de l’Agriculture tchèque au sujet de l’interdiction des extraits de chanvre en tant que nouvel aliment a suscité des réactions de la part de Lukas Hurt, éditeur du magazine spécialisé tchèque Konopi, ainsi que d’autres experts et professionnels du secteur. Lukas Hurt a souligné que le communiqué de presse du ministère de l’Agriculture contenait plusieurs inexactitudes. Il a notamment rappelé que le règlement de l’UE sur les « nouveaux aliments » auquel faisait référence le ministère de l’Agriculture n’était pas juridiquement contraignant, mais seulement une recommandation. Chaque État membre peut donc décider lui-même de ce qui est ou n’est pas un nouvel aliment. Cette position est d’ailleurs partagée par la France qui ne l’applique pas non plus.

En outre, des preuves confirmant que le CBD et d’autres cannabinoïdes ne devraient pas être étiquetés en tant que nouveaux aliments ont été présentées en collaboration avec l’Association européenne du chanvre industriel (EIHA). Si quelque chose doit être étiqueté comme un nouvel aliment, cela ne peut être que des isolats hautement concentrés, le plus souvent sous forme de poudre ou de cristaux, et pas des extraits de plantes produits par des méthodes traditionnelles.

Hana Gabrielová, présidente de CzecHemp, un groupement tchèque de producteurs de chanvre, a également souligné que l’utilisation de plantes et d’extraits de chanvre industriel à des fins industrielles, alimentaires et cosmétiques est inscrite dans la législation tchèque. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer la sécurité des isolats concentrés de cannabinoïdes, mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que les extraits de CBD issus du chanvre industriel, par exemple, sont sans danger.

Lorenza Romanese, directrice exécutive de l’European Industrial Hemp Association (EIHA), a aussi déclaré que l’EIHA collabore depuis longtemps avec CzecHemp et partagera rapidement avec les autorités tchèques toute la documentation pertinente, les analyses et les sources primaires qui confirment clairement que les cannabinoïdes végétaux font partie de notre régime alimentaire ancestral depuis de nombreux siècles.

La décision inattendue de la SZPI (Inspection sanitaire d’État tchèque) a aussi surpris Jindrich Voboril, coordinateur national de la lutte antidrogue, qui est aussi impliqué dans la légalisation du cannabis en République Tchèque et ne souhaite certainement pas s’engager sur la voie de nouvelles interdictions. Il a déclaré que sa proposition actuelle vise à créer une toute nouvelle catégorie de substances psychomodulatrices, qui couvrirait aussi le chanvre CBD et les produits contenant jusqu’à 1 % de THC. Il n’a pas été informé à l’avance de cette activité par le ministère de l’Agriculture et a été surpris.

Conclusion

La République tchèque est en train de vivre un débat intense sur la réglementation du CBD. La décision de l’Inspection sanitaire d’État tchèque d’interdire les extraits de chanvre en tant que nouvel aliment a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part de professionnels du secteur, qui considèrent que cette interdiction n’a pas de fondement juridique solide et pourrait porter préjudice à l’industrie du chanvre en République tchèque.

Le contexte légal de l’utilisation du CBD en République tchèque est complexe, avec une législation qui autorise l’utilisation de plantes et d’extraits de chanvre industriel à des fins industrielles, alimentaires et cosmétiques, mais qui ne prévoit pas de cadre spécifique pour les produits contenant du CBD. Cette situation a créé une certaine incertitude juridique pour les entreprises du secteur.

Cependant, la République tchèque n’est pas un cas isolé en Europe. La réglementation du CBD varie d’un pays à l’autre, et la situation est en constante évolution. L’Union européenne a récemment pris des mesures pour clarifier la situation juridique du CBD en publiant une décision sur la classification du CBD comme nouvel aliment. Cette décision a toutefois été critiquée par certains acteurs du secteur, qui estiment que la réglementation du CBD devrait être basée sur des critères scientifiques plutôt que sur des considérations politiques.

En conclusion, la réglementation du CBD en République tchèque et en Europe est un sujet complexe et en évolution constante. Les enjeux sont importants pour les entreprises du secteur, qui doivent naviguer dans un cadre juridique incertain tout en répondant aux demandes croissantes des consommateurs pour des produits contenant du CBD. Il est donc crucial que les autorités européennes travaillent en collaboration avec les professionnels du secteur pour élaborer une réglementation claire et fondée sur des données scientifiques solides, afin de permettre le développement de l’industrie du CBD tout en garantissant la sécurité des consommateurs.

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